Dernière mise à jour le 7-avr-14
TEMOIGNAGES SUR LES METIERS SPECIFIQUES
Connaitre les textes et les démarches: (670Ko)
S’il existe divers dispositifs pour les enseignants confrontés à des difficultés de santé, on constate malheureusement, l’insuffisance des moyens consacrés à leur mise en œuvre. La réalité est loin de correspondre à ce qui est préconisé dans les textes officiels. C’est pourquoi nous appelons les collègues qui sont ou qui ont été dans ces dispositifs à témoigner sur les conditions de leur parcours et sur les difficultés qu’ils rencontrent ou ont rencontrés. Ceci permettra au SNEP de faire reconnaitre les difficultés et les souffrances des collègues.
Mon témoignage de poste adapté par Sylvie Massuco
Une maladie orpheline me « tombe dessus » en 2000 (j’ai alors 47 ans). Je ne commence à en avoir des effets gênants au plan professionnel qu’en fin 2003, moment où je déclare à l’administration rectorale ma situation de santé. 3 axes dans ma démarche : l’établissement où j’exerce bien sûr, les services médicaux et sociaux. Dans cette académie-là, prise en charge « au top » : soutien humain et surtout suivi médico-social : informations sur mes droits, esquisse de l’avenir, emploi du temps sur mesure (4h par jour et plages horaires libérées pour mes rdv de kiné) mise en place progressive dans l’exercice quotidien de mesures supplétives : adjonction de TZR pour les activités « à risques », c a d où je ne peux assurer la sécurité totale des élèves, notamment la gym pour les parades. Je reste l’entière responsable de mon enseignement et apprécie la disponibilité des jeunes collègues qui m’aident. En parallèle, je tente de freiner les atteintes articulaires par des séances régulières de kiné, mais l’évolution m’oblige à demander un «congé de longue maladie par demi-journées pour soins réguliers » (j’avais dégoté un texte officiel de la fonction publique qui prévoyait cette possibilité notamment pour les personnels en dialyse). Je fais découvrir ce texte à mes interlocuteurs, qui m’en accordent le bénéfice, en maintenant mon plein traitement. Dans la théorie, je double donc la durée de ce CLM, 3 ans effectifs donc 6 années scolaires à mi-temps en perspective. La collègue TZR, qui m’assiste, a ainsi un mi-temps en responsabilité entière, elle a ses propres classes, et continue son aide auprès de moi. Et quand je suis trop fatiguée, elle prend « naturellement » le relais avec mes classes.
Mais, quand je demande et obtiens ma mutation sous un climat plus doux, dans l’optique de continuer à travailler, les administratifs ne connaissent pas et ne veulent pas connaître toute ma particularité. Je réussis à « imposer » l’idée du TZR qui me complète mais la situation administrative reste bornée on doit rentrer dans une case « normalisée ». Mon congé de longue maladie par demi-journée n’existe que sur le 1° arrêté de renouvellement et disparaît tout simplement dans les suivants qui deviennent de simples congés de longue maladie. En même temps, les difficultés à s’insérer dans un nouveau contexte (vieux prof, diminuée physiquement, ayant perdu le support de sa réputation qui entrainait une énorme bienveillance de ses élèves) font que malgré un soutien solide de mes nouveaux collègues, je dois jeter l’éponge, lasse de fatigue à combattre pour installer sans y réussir, une autorité sur mes classes… Les CLM continuent (ALD, mais obligation tous les 6 mois à rencontrer un expert médical ce qui entraine avec les lenteurs administratives un décalage croissant dans l’édition des arrêtés de congés). Mon état général s’améliore sauf bien sûr les baisses d’amplitude articulaires qui ne font qu’empirer. Je décide de me renseigner et alors que je viens d’être déclarée « définitivement inapte à assurer ma fonction d’enseignante d’EPS » je postule pour un poste adapté, et conseillée par l’A.S. du Rectorat, demande à être orientée vers l’administratif, là où il y a moins de demande, car tous les enseignants en situation analogue à la mienne demandent un poste de documentaliste. Ayant obtenu un poste adapté de courte durée (décision en commission paritaire) je suis bloquée par une règle non écrite (du vide dans les textes) m’obligeant à occuper un poste dans le département de ma dernière affectation. Or entre temps (2ans et demi de CLM) ma santé m’a amenée à aller vivre dans le département voisin (achat d’un appartement) pour me rapprocher de ma famille. L’argumentation (j’invoque le bon sens, distance, fatigue, coût !) que je tente auprès d’un adjoint à la DRH se heurte à une fin de non-recevoir : « puisque vous ne pouvez pas venir travailler ici, vous perdez le bénéfice de votre poste adapté, je le donne à quelqu’un d’autre ». Panique ; je fais des courriers infructueux tous azimuts (A.S., médecin du Rectorat, correspondant handicap et jusqu’à Mme la Médiatrice) ; l’Administration décide de la mise en route express d’une procédure de reclassement (plutôt du déclassement de cat A en cat B) dans un corps administratif «qui m’est recommandé », celui des SAENES, et suis alors « affectée définitivement » à l’IA, à 165 kms de mon domicile !
Essayant de m’incliner devant ce pouvoir fort, je trouve une solution bancale, colocation sur place mais appartement inadapté à mes handicaps, et je dois renoncer à nouveau au bout de 15 jours… Reprendre à plein temps, c‘était de la folie ; et pour obtenir une reprise en mi-temps thérapeutique il faut que celui-ci soit immédiatement consécutif à un CLM de 6 mois. 2 petites semaines de reprise rendent impossible une modification ! Me voilà de nouveau en CLM, demi-traitement + complément MGEN. Quand je reprends enfin ce mi-temps thérapeutique, je me trouve heureusement dans un service très bienveillant à la DSDEN et un aménagement de ce mi-temps est convenu : habitant si loin, je travaille deux journées (lundi et jeudi) et demie (mercredi après-midi). Je limite ainsi mes déplacements et les coûts : 660 kms par semaine et mensuellement 480 euros - seulement ! - de frais (carburant, péage et hébergement les mercredi soirs).
Pour trouver une solution à cette situation qui ne pouvait durer plus d’un an, j’ai dû bagarrer, essuyer refus et surtout non réponses, mettre en œuvre toutes les pressions possibles sur la DRH qui détenait apparemment plein pouvoir sur mon affectation (merci à tous, chefs de services, médecin, A.S., et sans doute surtout syndicat) pour me voir concéder le 20 juin une affectation provisoire à la DSDEN qui est à 9 kms de chez moi…. Faudra-t-il encore bagarrer pour y être maintenue, le temps d’avoir « officiellement » droit à une mutation ?
PS : depuis 5 ans, on m’incite régulièrement à demander ma retraite anticipée…. Facile, je serais enfin dans une « case normale », mais ce n’est pas « rentable »… pour moi !
Le parcours d’un poste adapté
Etre fonctionnaire ne garantit pas toujours la sécurité d’emploi. Ainsi lorsque l’enseignant a un important problème de santé, tout est remis en question dans sa vie professionnelle. Aucune politique de réadaptation n’ayant jamais été mise en place, la seule solution reste le dispositif des « postes adaptés », difficilement accessible et réservé à un nombre très restreint de collègues.
Pour obtenir un poste adapté et son renouvellement les années suivantes, l’enseignant va devoir suivre un véritable parcours du combattant, car tout est fait pour le décourager et le dissuader d’entrer et de rester dans ce dispositif. Dans un premier temps le demandeur va chercher à prendre contact avec le référent « handicap » ou le référent « mobilité carrière », il devra se montrer patient pour obtenir un rendez-vous et s’il espère par la suite trouver des informations précises et concrètes pour résoudre ses difficultés, il sera déçu. En effet c’est lui qui doit chercher et proposer des solutions pour élaborer un projet professionnel qui doit déboucher, soit sur une réorientation professionnelle, soit sur un retour vers l’enseignement.
Le plus difficile consiste à faire reconnaître sa maladie ou les séquelles d’un accident par un médecin spécialisé désigné par le Rectorat. Malheureusement, on constate que les pathologies dont souffrent certains collègues sont souvent minimisées. Si la gravité de la pathologie est reconnue par un expert médical, il ne faut pas croire que tout est réglé. En effet si celui-ci demande un reclassement sur un poste administratif et que cet avis est approuvé par le comité médical, l’administration n’est pas obligée de tenir compte de cet avis et peut réexpédier l’enseignant sur son ancienne fonction. C’est le médecin conseil du recteur qui décide si l’état de l’enseignant nécessite ou non un poste adapté. Cette décision médicale est ensuite soumise à l’approbation des autorités administratives du Rectorat et plus particulièrement du responsable des Ressources Humaines.
Même s’il ne peut plus enseigner ponctuellement ou définitivement l’enseignant veut continuer à travailler, car il pense encore être utile. Mais l’administration ne l’entend pas ainsi et ira jusqu’à lui conseiller de se mettre en congé de maladie. Lorsqu’il obtiendra une affectation dans un service académique, il devra malgré son problème de santé, s’adapter à la fois à son nouveau travail, se former en fonction de son projet professionnel et rechercher des débouchés en vue d’une réorientation.
Il devra aussi s’adapter au manque de coordination entre les différents services qui gèrent son dossier, au manque d’informations, au manque de solutions pertinentes et réalistes, au manque de soutien et d’accompagnement, et surtout à un manque d’humanité. Dans une telle situation, il se sent infantilisé, culpabilisé, il éprouve un sentiment de solitude, de dévalorisation et d’impuissance face à un système, lui, tout puissant. Dans ces conditions comment retrouver la sérénité nécessaire pour rebondir.
La possibilité de se réorienter professionnellement est le plus souvent un leurre, en fait après deux ou trois ans de poste adapté, l’enseignant se retrouve à la case départ. Le manque de passerelles entre les professions, entre le public et le privé, les différences de statuts et de catégories, l’âge… Toutes ces variables rendent le changement professionnel très difficile, voire impossible. Reste la réorientation vers les services administratifs de l’Education Nationale. Pour cela on vous demande de passer un concours de catégorie A ou B. Si l’enseignant réussit un concours de catégorie B, il prend le risque d’être affecté dans n’importe quel endroit de l’académie et en rétrogradant de catégorie, il verra son salaire souvent gelé (grille indiciaire du corps d’accueil plus limitée) et sa pension de retraite diminuée de fait. Dans le cas d’une reprise de l’enseignement, un dispositif prévoit de remettre le professeur face aux élèves en présence d’un tuteur. Cette situation est très dévalorisante, surtout lorsqu’on a 20 ou 30 ans d’expérience pédagogique, elle convient peut-être à certains cas particuliers, mais la majorité des collègues la vivent très mal.
Plus les problèmes de santé apparaissent tard dans une carrière, plus on a de chance de s’en sortir. Par contre cela devient très problématique quand il reste encore de nombreuses années à faire avant la retraite. Les textes officiels se rapportant à la situation des enseignants en situation difficile donnent l’impression d’avoir étaient rédigés dans un réel souci de ces personnels. Hélas, la réalité est tout autre, c’est pourquoi l’expérience « poste adapté » laisse un goût d’amertume.
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